Le justaucorps de gymnastique rythmique, une aventure au pays du calque – 1/3

Rose fait de la gymnastique rythmique depuis quelques années. Lors de la saison 2018-2019, son équipe a porté les justaucorps du club, mais il faut bien avouer que les plus grandes du groupe avaient un peu de mal à rentrer dedans. Les jupettes qui coincent sur les hanches, ce n’est pas super esthétique, mais le pire c’est de faire de la gym avec une tenue qui vous rentre dans les fesses. On savait donc qu’il faudrait trouver une solution après l’été.

Une fois les championnats passés, Rose me demande si je pourrais lui faire l’immense plaisir de lui coudre un beau justaucorps pour l’année suivante, parce que ce serait un peu comme un porte-bonheur rassurant lors des compétitions. Je m’empresse de lui en faire la promesse, car les deux mois d’été qui arrivent me donnent l’impression que le temps va être élastique, voire infini. La prof annonce que Rose va faire un duo ? Pas de problème, je vais donc faire deux justaucorps. Après tout, une fois qu’on est lancée …

Mais le temps élastique n’existe que dans mes rêves si bien que je ne commence pas le projet avant décembre, un commencement bien timide puisqu’il consiste à aller sporadiquement sur Pinterest pour regarder à quoi ressemblent les justaucorps que portent les gymnastes olympiques. Je découvre mille modèles et assortiments de couleurs plus originaux et sophistiqués les uns que les autres. J’intériorise et me rends compte que cela ne va pas être du gâteau .

On profite d’une sortie à Paris pour se rendre à Montmartre chez « Tissus Lionel » afin de nous procurer une sorte de voile lycra effet seconde peau. C’est un tissu qu’on ne trouve pas partout et je préfère me le procurer rapidement pour avoir l’esprit tranquille. On en profite au passage pour regarder les couleurs et tarifs des tissus stretch. Inspirée par toutes ces merveilles, Rose commence alors à réfléchir plus sérieusement au style et à l’assortiment de couleur qu’elle aimerait. Je me mets à cogiter aussi.

Noël enfin passé et la compétition s’annonçant pour début février, je sens qu’il est plus que temps de m’y mettre et je me fais un petit planning prévisionnel. Le temps va être trop juste pour se lancer dans la conception complète d’un patron de justaucorps. Donc à la rentrée de janvier, je mesure ma fille et sa copine le mercredi, je commande deux patrons Jalie en PDF le jeudi et je vais les faire imprimer en A0 le vendredi chez Office Dépot.

Je me mets à la tâche dès le lendemain. Pour que les justaucorps soient exactement à la bonne taille – car comme toujours, personne ne correspond parfaitement aux mesures d’une seule taille sur un patron -, je débute en repérant la taille à laquelle correspond chacune de leurs mensurations :

Ainsi, en décalquant le patron, je dessine mes propres lignes, reliant par exemple le repère S de la taille au repère R des hanches. (Je vous montrerai ma technique pour adapter un patron à l’occasion).

Comme mon objectif est de faire un justaucorps sans manches (« C’est horrible les manches, ça tient trop chaud, ça gêne aux poignets. ») et sans col montant (« C’est horrible les cols autour du cou, ça gêne, ça serre. »), pas de manches ni de col à décalquer, c’est déjà ça ! En revanche, comme je veux faire un design perso, je supprime l’empiècement princesse du patron pour faire un devant et un dos en un seul morceau, en pensant à enlever les marges de couture comprises dans le patron à la jonction de l’empiècement.

Pas le temps de retourner à Paris, alors on tente notre chance chez Mondial Tissus. Nous avons le choix entre 5 ou 6 couleurs – rien à voir avec la petite boutique de Montmartre qui exposait du sol au plafond des nuances variées dans toutes les couleurs. Rose choisit du rouge et du blanc. C’est gai sans être trop excentrique et pour un premier essai de design, cela me semble adapté.

Le justaucorps va être construit à partir d’une base chair sur laquelle sera cousue une culotte rouge. Les volutes asymétriques que je projette de dessiner formeront à la fois la jupette et le décor du haut en deux ou trois couches de tissu.

Le marathon a alors commencé et je me suis mise à utiliser chaque petite minute libre de mon emploi du temps pour avancer le travail, faisant un détour par mon atelier à chaque fois que je me retrouvais en haut de l’escalier (mon atelier est au premier étage). Ces petites minutes prises par-ci par-là m’ont permis de préparer chaque nouvelle étape pour pouvoir me lancer directement dans le travail quand j’avais une petite plage de temps devant moi.

Voici comment je m’y suis prise :

J’ai découpé le devant et le dos complets dans le voile chair, puis la partie « culotte » jusqu’au repère de jonction de la jupette dans le tissu rouge. J’ai assemblé ses pièces endroit sur envers pour constituer la base du premier justaucorps.

Par-dessus les calques des bases et de leurs jupettes respectives, je me suis mise à improviser.

J’ai conçu toutes les volutes et flammèches sur ce calque puis j’ai décalqué chaque couche de décor séparément pour pouvoir m’en servir lors de la coupe du tissu. J’ai noté au fur et à mesure à quoi correspondait les pièces obtenues : Rose ou copine, rouge ou blanc et devant ou dos, pour éviter les erreurs. Je voulais aussi me simplifier la vie en cas d’attaque surprise de chat joueur qui se roule sur les patrons et repart avec des petits bouts de papier dans le pelage …

Une fois satisfaite de mes gribouillettes, l’étape la plus délicate a commencé : refaire la même chose pour le deuxième modèle. En effet, les règles vestimentaires sont strictes en compétition : les engins et tenues d’une équipe doivent être identiques. Il existe seulement une tolérance pour les justaucorps aléatoirement décolorés par le temps et les lessives.

Donc, pour faire un deuxième patron le plus semblable possible au premier, j’ai essayé d’être méthodique. J’ai pris la base du petit modèle et j’y ai superposé la première couche de volutes du grand modèle en alignant bien la taille. Et vas-y mémé, pour essayer de refaire plus ou moins le dessin en trouvant des points de repère à peu près cohérents : nouvelle débauche de calques pour refaire chaque couche de flammèches …

La clé de la réussite, c’est avant tout de ne pas se décourager et de ne pas hésiter à gommer et gommer encore …

Rétrécissement de la jupette blanche.

Je me suis servie de repères tels que la ligne de symétrie du justaucorps ou la ligne des épaules pour tracer le deuxième patron. Est-ce que la pointe d’une flammèche arrivait à la moitié, au tiers, au quart de l’épaule ? Est-ce qu’un trait passait tout près du col ou un peu plus loin ? Est-ce que telle volute était plus large ou plus arrondie que telle autre ? En comparant les différents paramètres et après bien des ajustements, j’ai réussi a obtenir que mes deux patrons vus côte à côte donnent une impression de similarité. Je n’ai pas non plus cherché à trop peaufiner mon dessin car je n’avais pas le temps de m’attarder démesurément sur cette étape.

Voici les patrons de devant et de dos :

Une fois tous les morceaux de patron soigneusement découpés, il a fallu les reporter sur le tissu. La meilleure technique de transfert consiste à encoller le patron à la colle en bâton ou en spray et à le placer sur le tissu. Ensuite, on peut découper avec précision en suivant le bord du calque qu’on décolle une fois que tout est taillé. Mais comme je voulais conserver mes morceaux de patron, j’ai utilisé des poids pour aplatir le calque et j’ai tracé les contours à la craie en essayant de ne pas étirer le tissu.

La colle en spray, c’est à l’étape suivante que je m’y suis frottée …

Merci de vous être arrêté-e-s un instant dans mon atelier Boudiboudaille & rikiki !

A bientôt,

Didine